En lien avec le Grand Plan d’Investissement (GPI) de 57 milliards d’euros annoncé par le Premier ministre, nous revenons sur le concept d’« investissement social », source d’inspiration intéressante pour cette nouvelle politique.

Le concept d’investissement social est aujourd’hui plébiscité en France, en Europe et dans le monde, tant dans la sphère de l’action publique que celle de l’action privée. Il propose de renverser la vision du social, auparavant vu comme une dépense, un coût, en une richesse, un « investissement », et ainsi de valoriser les politiques sociales comme favorisant le développement humain et économique futur du pays. C’est pourquoi des chercheurs, experts et représentants des organisations internationales – telles l’Union européenne et l’OCDE -, mobilisent ce concept pour orienter le développement de nouvelles politiques sociales.

Avec le GPI, il est bien question d’investir – c’est-à-dire d’effectuer une « dépense non pérenne porteuse d’effets durable » – sur des enjeux jugés prioritaires pour la croissance et le « changement de trajectoire » visé à plus long terme. On y trouve en particulier, l’objectif de bâtir une société de compétences à travers des interventions fortes sur l’emploi et le décrochage scolaire. Cet investissement, absolument nécessaire pour équiper les chômeurs et les élèves décrocheurs de compétences adaptées aux emplois de demain, est-il un investissement social ?

Dérivée des théories du capital humain, le concept d’« investissement social » propose d’agir en amont des situations d’échec social (en particulier le décrochage scolaire et le chômage), en misant sur l’éducation, la santé et l’employabilité, de manière préventive. Il s’agit aussi d’intervenir collectivement – acteurs publics, privés, société civile – afin d’éviter les situations de rupture et de fragilités sociales – aussi néfastes pour l’individu que pour la collectivité.

Derrière la notion d’investissement social, on retrouve les théories de l’économiste Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998. L’idée est que les politiques publiques doivent doter les individus de capacités leur permettant de s’engager dans un parcours personnel et professionnel vécu comme positif. Avec moins d’assistance a posteriori, mais une plus forte croyance a priori dans la valeur et les potentiels des personnes.

Concrètement, investir dans le social, c’est accompagner l’enfant, le jeune et l’adulte dans le développement de ses compétences par des apprentissages tout au long de sa vie (concept anglosaxon de lifelong learning), mais aussi dans l’appropriation de modes d’emploi qui l’aideront à construire positivement son parcours. Il s’agit de développer chez l’individu ce que nous appelons au SociaLab l’« entreprenance », combinant sentiment de compétence, envie d’apprendre et esprit d’entreprendre.

De quelle manière la politique d’investissement du gouvernement pourrait-elle édifier cette société de compétences qui permette à chaque individu de construire son parcours et sa propre réussite ? Quelles politiques éducatives pour offrir cette capacité à être compétent dans ce que l’on choisit ? Quelles propositions de formation pour être agile face aux situations d’évolution permanentes, faites de réversibilités et d’opportunités ?

Le GPI peut être un formidable outil de transformation des politiques publiques s’il permet effectivement d’investir dans les compétences des individus, celles des « cibles » de l’action publique (les élèves en décrochage, les personnes en quête d’emploi…), mais aussi celles des acteurs qui les forment, accompagnent, soutiennent et tutorent !  L’annonce d’un Plan de compétences et du fléchage de l’investissement national dans la formation des enseignants, l’innovation éducative, l’évolution des modes de formation et la transformation du premier cycle universitaire est à ce titre prometteuse.

Considérer ce Plan comme un outil de transformation profonde des politiques sectorielles nécessite donc d’en faire un levier plus global d’évolution des formes de transmission des savoirs, savoir-faire, compétences et autres soft skills, centrales dans la construction des parcours et les « réussites » des individus. C’est donc placer l’entreprenance au cœur de cet investissement.